Extrait de Quatorze Klavierstücke, en réalité le «premier-né» de ce cycle pour piano (1995-1999), qui retrouvera son numéro I dans le retour à l’ordre originel, lors de la future édition de Quatorze Klavierstücke et Quatorze Nouveaux Klavierstücke (2009-2015). Les « douces » dissonances du début annonçaient un emploi quasi obsessionnel des degrés faibles, commun à l’ensemble de ces pièces. Quoiqu’en Mi mineur, celui-ci commence sur le IIIe degré de la tonalité relative (Sol majeur). La partie centrale énonce un thème fait d’échappées (dissonances non résolues). Le retour de la première partie s’infléchira vers Mi majeur.
J’ai choisi ce titre de «Klavierstücke» à la fois par ironie envers l’inconsolable non germaniste que je suis, par ironie encore quand je mesure l’immensité qui les sépare de ceux de Stockhausen, mais surtout en hommage à Johannes Brahms dont les Klavierstücke (au nombre de 28 !) représentent pour moi un joyau incomparable. Pourquoi XIV ? Peut-être en écho au chiffre de Jean-Sébastien Bach, qui est partout dans cette aventure. Bon nombre de ces pièces sont des extrapolations pianistiques d’idées de préludes contrapuntiques que j’ai écrits auparavant. Le Klavierstück III en Sol majeur procède par exemple du Prélude (& Fugue) en Si bémol n°XXIII qui fait partie de mes propres «Préludes & Fugues dans les Trente Tonalités» (Livre I). Si étrange que cela paraisse, je pense qu’il n’y a qu’un pas du prélude «bachien» à l’intermezzo «brahmsien». Ayant été fasciné par les premiers au point d’écrire des Préludes & Fugues, il me fut naturel de suivre la voie des seconds. Si je me réfère à ces deux compositeurs du passé, c’est que Bach et Brahms ont écrit - du moins pour moi - la musique à la fois la plus dissonante et la plus tendre qui soit, une musique dont le tissu harmonique est sans cesse parsemé de «micro-instants» ultra -dissonants, sortes de «douleurs douces» auxquelles seul le langage tonal peut donner une telle saveur. Parce que la force de leurs idées, la richesse de leur discours contrapuntique et la puissance de la forme procèdent invariablement chez eux de la pensée harmonique. Mais ce qui me les rend plus chers encore, c’est leur goût obsessif pour les degrés faibles et leur attachement particulier au sentiment modal, sur fond d’une implacable perspective tonale.
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Lucas Debargue l’a donné en bis à l’issue de son récital au Konzerthaus de Vienne, le 20 février 2019, en direct / live sur MEZZO :
… ainsi que lors de son récital à la Fondation Singer-Polignac, le 22 juin 2020, en direct / live sur MEDICI TV :