Chronogénèse est désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming (Deezer, Spotify, Apple Music, etc). Cette œuvre est une sorte d’anachronisme musical à la fois étrange et familier, où des rythmes afro-cubains viennent hanter sans pour autant le faire dévier de sa route, un contrepoint héritier des Variations Goldberg. L'attitude qui consiste naturellement à recourir à des harmonies jazz pour rafraîchir des principes baroques est ici inversée, provoquant une certaine déstabilisation des repères historiques. C'est un rythme étrange glané chez Bach dans une mouture antérieure de son Prélude en Sol mineur (CBT I, auquel il renoncera finalement), qui a généré ce cosmopolitisme rythmique. Appliqué ici (en Ut mineur) à une simple gamme ascendante, il mène la tonique à la sensible supérieure, impliquant une harmonie de dominante sur médiante (III ème degré en mineur) et une chaîne naturelle de conséquences, dans une écriture en imitation... Une fois conçue cette courte pièce bipartite au rythme bizarre obsédant, celle-ci ressemblait plus à une variation qu'à un thème. Il s'agissait alors d'imaginer a posteriori de quel thème elle pourrait être issue. Au fur et à mesure de la venue de nouvelles variations sur cette trame harmonique, l'étrangeté rythmique a contaminé l'esprit général, le tournant souvent vers une écriture résolument syncopée... et c'est finalement la variation la plus évidente (monodique) qui s'est arrogé le rôle de "thème" leitmotiv, avec pour mission d'ouvrir, de ponctuer, puis de fermer l'ensemble. Ces trois groupes de dix variations tendent chacun progressivement vers des rythmes qui mêlent be-bop, salsa, biguine... jusqu'à ce qu'une dixième variation (X, XX et XXX) ne vienne sonner le "rappel à l'ordre", tour à tour fugué ou canonique. En forme d'hommage, la variation 26 (la troisième de l'îlot majeur), évoque celle virtuose placée au même rang dans les Variations Goldberg. Ces variations (2009) furent écrites dès le départ dans l'intention de les jouer moi-même. Gagné par le temps, je les ai confiées à Duanduan Hao pour la création fin 2009 Salle Cortot, mais les ai données ensuite une dizaine de fois en public, dont au Centre Culturel Américain de Chicago, Salle Cortot, Salle Adyar, Festival 1001 Notes... jusqu’à cet enregistrement en studio, dont Vincent Roa a assuré la réalisation.